Les fiches de la Clinique 1/11

Fiche n°91 - Les obligations de quitter le territoire français (OQTF)

QU’EST-CE QU’UNE OQTF ?

Une OQTF est une décision prise par l’autorité administrative (le préfet) ayant pour objet d’obliger un étranger à quitter le territoire par ses propres moyens (Art L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA).
La décision d’OQTF doit, pour être valide, mentionner le pays dans lequel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office (Art L.612-12 du CESEDA).
 
L’OQTF ne doit pas être confondue avec l’arrêté d’expulsion qui est une mesure de police administrative plus sévère, prononcée dans des situations très graves liées à la protection de l’ordre public ou en cas d'atteinte à la sûreté de l’État.

 

QUI PEUT ÊTRE VISÉ PAR UNE OQTF ?

S'agissant des personnes susceptibles d’être visées par une OQTF :

  • Est concernée une personne étrangère, c'est-à-dire ne disposant pas de la nationalité française et se trouvant de manière irrégulière sur le territoire français (Art L.611-1 al.1er CESEDA).
  • Est également concernée une personne en provenance directe d’un territoire de l’espace Schengen (tous les États membres de l’Union européenne sauf la République d’Irlande et Chypre, ainsi que des États hors Union européenne : Norvège, Suisse, Islande, Liechtenstein) (Art L.612-4 CESEDA).

S'agissant des personnes qui ne sont pas susceptibles d’être visées par une OQTF :

  • La loi liste une série de personnes qui ne peuvent pas être concernées par une OQTF (Art. L.631-2 CESEDA) :
  • La personne est parente d’un enfant français mineur résidant en France. Il doit prouver qu’il participe à l’éducation et à l’entretien de l’enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an ;
  • La personne est mariée avec une personne de nationalité française depuis trois ans, sans interruption de la communauté de vie. Cela signifie que les époux doivent toujours vivre ensemble, sous le même toit ;
  • La personne réside en France depuis plus de 10 ans de manière régulière. Sauf s’il a uniquement détenu une carte de séjour étudiant durant cette période ;
  • Lorsque la personne perçoit une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle provenant d’un organisme français, avec au minimum une incapacité permanente de 20%.

Cependant, par exception, l’OQTF peut être prononcée contre ces personnes afin de conserver la sûreté de l’État ou la sécurité publique (par exemple, un étranger qui se trouve en état de polygamie, ou qui a fait l’objet d’une condamnation pour un délit puni de trois ans d’emprisonnement ou plus, ou d’un crime).

Également, n’est pas concerné un mineur de moins de 18 ans (Art L.611-3 CESEDA).

S'agissant des personnes ayant un statut spécial concernant les OQTF :
Les détenus
ne peuvent pas être expulsés du territoire tant qu’ils sont en prison en France. Il existe deux exceptions autorisant une OQTF : si ce sont des ressortissants européens qui peuvent exécuter leur peine à l’étranger (Art 728-10 du Code de procédure pénale - CPP), ou en cas de libération conditionnelle (Art 732 CPP).

Les demandeurs d’asile ne peuvent pas être expulsés s’ils risquent de subir des actes de torture, persécution ou mauvais traitement dans leur pays d’origine. Par exception, ils peuvent être expulsés si leur pays est considéré comme respectant leurs droits fondamentaux.

   

POUR QUEL MOTIF UNE OQTF EST-ELLE DÉLIVRÉE ?

Les personnes peuvent être visées par les OQTF dans 6 situations (Art L.611-1 CESEDA) :

  • La personne est entrée sur le territoire et y est restée sans être titulaire d’un titre de séjour valable ;
  • La personne entrée sur le territoire possédait un visa qui a expiré, et qui n’a pas été renouvelé. Également, cette personne n’avait pas de visa durant le délai de trois mois, et n’a effectué aucune demande pour en obtenir un nouveau ;
  • La personne n’a pas de titre de séjour car sa délivrance ou son renouvellement lui a été refusé. Celle-ci a également demandé un document provisoire afin d’effectuer une demande de titre de séjour qui a été refusée. Encore, l’étranger était titulaire de l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été retirée ;
  • La personne a fait une demande pour avoir la qualité de réfugié ou bénéficier de la protection subsidiaire, qui a été refusée sans que cette décision ait fait l’objet d’un recours. A moins que celle-ci ne soit titulaire d’un titre de séjour ou d’un document provisoire permettant d’effectuer une demande de titre de séjour ;
  • Le résident irrégulier constitue une menace pour l’ordre public ;
  • Le résident irrégulier viole le code du travail en travaillant sans titre de séjour ou de visa, et sans contrat de travail.
   

QUELS SONT LES DIFFÉRENTS TYPES D’OQTF ?

Une OQTF peut prendre deux formes.

1.    Le délai laissé à l’individu pour quitter le territoire français

Si la personne se trouve dans l’un des 6 cas précédemment listés, la personne dispose d’un délai de 30 jours pour quitter le territoire français à compter de la notification de la décision.

Une personne peut être contrainte de quitter immédiatement le territoire français dès la notification de la décision si elle représente une menace pour l’ordre public, si elle risque de prendre la fuite ou en cas de refus de délivrance ou de renouvellement du titre de séjour au motif d’une fraude ou du caractère infondé de la demande (Art L.612-2 CESEDA).
  

2.    L’interdiction de retour sur le territoire français

En cas de départ immédiat, la décision d’OQTF peut être assortie en même temps d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf pour des circonstances humanitaires, pour une durée maximale de 5 ans ou 10 ans pour une menace grave à l’ordre public (Art L.612-6 CESEDA).
En cas de départ sous 30 jours, l’individu peut faire l’objet, postérieurement, d’une mesure complémentaire d’interdiction de retour sur le territoire s’il est resté sur le territoire au-delà du délai qui lui a été accordé pour partir (Art L.612-7 CESEDA).
L’interdiction de retour sur le territoire peut être prolongée pour une durée maximale de 2 ans si l’étranger est resté sur le territoire alors qu’il aurait dû l’avoir déjà quitté, ou s’il est revenu sur le territoire alors qu’il en était encore interdit (Art L.612-11 CESEDA).



QUELLE EST LA PROCÉDURE D'ÉDICTION D’UNE OQTF ?

1)    Le moment du prononcé de la décision

La décision de prononcer une OQTF peut intervenir à plusieurs moments :
-       En même temps qu’un refus de la préfecture de délivrance d’un document de séjour ;
-       À la suite d'un contrôle d’identité par les forces de l’ordre durant lequel la personne n’a pas pu justifier de sa présence régulière sur le territoire ;
-       Après une condamnation par une juridiction pénale.
  

2)    La motivation de la décision du préfet

La décision d’OQTF prise par le préfet doit être motivée en indiquant concrètement pourquoi il est nécessaire que la personne soit contrainte de quitter le territoire français.

Le préfet doit également, s’il décide de prononcer une OQTF avec départ immédiat, justifier de la nécessité cette dernière exigence de manière séparée (Art L.613-2 CESEDA).
   

3)    La notification à l’étranger concerné

La décision d’OQTF est transmise par écrit à l’étranger concerné. C’est à partir de ce moment-là que commence à courir l’éventuel délai de 30 jours laissé pour le départ (Art L.613-3 CESEDA).

Il doit recevoir une copie des principaux éléments de la décision traduits dans une langue qu’il comprend si ce n’est pas le français (Art L.613-4 CESEDA).



QUE RISQUE UNE PERSONNE VISÉE PAR UNE OQTF QUI NE QUITTE PAS LE TERRITOIRE DANS LE DÉLAI IMPARTI ?

L’étranger visé par une OQTF qui n’a pas quitté le territoire encourt une mesure de reconduite forcée à la frontière, qui peut être précédée par une procédure de rétention administrative ou d’assignation à résidence (Art L.511-1, L.731-1 et L.740-1 CESEDA).

Une mesure d’expulsion forcée est également possible si le comportement personnel de l’individu représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société (Art L.252-1 CESEDA). Il existe plusieurs exceptions légales empêchant la mise en place de ces mesures (par exemple des parents d’un enfant mineur).

Enfin, des sanctions pénales peuvent être prononcées à l’encontre de l’étranger pour maintien irrégulier sur le territoire français, à savoir une peine de trois ans d’emprisonnement et 3.750€ d’amende (Art L.821-1 CESEDA). L’individu encourt également des sanctions pénales s’il ne coopère pas avec les autorités pour régulariser sa situation (Art L.821-2 et s. CESEDA).

   

QUELS SONT LES RECOURS POSSIBLES CONTRE LES OQTF ?

 1)    LE TRIBUNAL COMPÉTENT

La décision d’OQTF peut être contestée devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve la préfecture qui a décidé de l’OQTF (Art L911-1 CESEDA). Par exemple, il faut saisir le tribunal administratif de Lyon si la décision est rendue par la Préfecture du Rhône.
 
 

2)    LE DÉLAI POUR CONTESTER LA DÉCISION D’OQTF

 Les délais de recours diffèrent selon que la personne concernée par l’OQTF est concernée par une mesure de contrainte avant son expulsion (Art L.730-1 et suivants CESEDA). :
-       Assignation à résidence (ou détention en prison) : la personne concernée doit résider dans des lieux déterminés par l’administration le temps de son éloignement effectif du territoire français.
-       Rétention administrative : la personne concernée doit résider dans un centre de rétention le temps de son éloignement effectif du territoire français.
 
S’il ne fait l’objet d’aucune de ces deux mesures, le délai pour former un recours contre l’OQTF est d’1 mois à compter de la notification de la décision et le tribunal administratif a un délai de 6 mois pour se prononcer.
 
S’il fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence ou si la personne est détenue en prison, le recours doit être formé dans les 7 jours qui suivent la notification de l’OQTF. Le recours est alors jugé en procédure accélérée par un juge unique sous 15 jours après l’introduction du recours pour se prononcer. Le tribunal administratif compétent pour connaître du recours est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d’assignation (Art L921-1 CESEDA).
 
 
Si la personne fait l’objet d’une mesure de rétention administrative, elle doit former son recours dans les 48 heures à compter de la notification. Le recours est alors jugé en procédure prioritaire par un juge unique sous 96 heures. Le tribunal administratif compétent exceptionnellement est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention (Art 921-2 CESEDA).
 
 

3)    QUELLE DÉCISION PEUT PRONONCER LE TRIBUNAL SUR LA CONTESTATION ?

 Une fois le recours étudié, le tribunal administratif peut décider d’annuler ou de confirmer la décision d’OQTF.
 
Le tribunal peut annuler totalement une OQTF ou bien seulement certaines mesures. Dans le premier cas, la préfecture remet alors à l’étranger une autorisation provisoire de séjour dans l’attente d’un réexamen de son dossier. Dans le second, le tribunal peut uniquement annuler l’interdiction de retour dont est assortie l’OQTF ; l’étranger sera éloigné du territoire mais il pourra revenir en France en régularisant sa situation par un visa en règle.

Lorsque le tribunal confirme l’OQTF, l’étranger doit quitter la France. Si l’étranger visé par l’OQTF est dans l’impossibilité de rejoindre son pays, une mesure d’assignation à résidence pourra être prise.
 
Si le recours est rejeté par le tribunal administratif qui ne statue pas sur la demande, il est possible de faire appel dans un délai d’1 mois à compter de la notification du jugement devant la cour administrative d’appel dont dépend le tribunal qui a rendu la décision. Attention, l'appel ne suspend pas l'exécution de l'OQTF.
 

4)    QUELS AUTRES RECOURS SONT ENVISAGEABLES ?

Un recours gracieux peut être adressé au préfet. Il s’agit d’une réclamation envoyée à l’auteur de la décision contestée, en l’occurrence le préfet. L’étranger doit se tourner vers la préfecture du département de son lieu de résidence pour demander que la décision soit revue en partie ou dans son entièreté.
 
Un recours hiérarchique peut être adressé au ministre de l’Intérieur. Il s’agit d’une réclamation envoyée au supérieur hiérarchique de la décision contestée
 
Ces deux recours peuvent être effectués en même temps. Les délais à respecter pour effectuer ces recours administratifs sont les mêmes que les délais prévus par la procédure de recours devant le tribunal administratif (Art L.411-2 et suivant du Code des relations entre le public de l’administration)
 

QUELS SONT LES DROITS DONT BÉNÉFICIE UNE PERSONNE VISÉE PAR UNE OQTF ?

Les étrangers se trouvant visés par une OQTF bénéficient tout de même de droits.
Ceux-ci disposent tout d’abord d’un délai de 30 jours pour contester la décision les visant (Art. L.614-1 L.911-1 du CESEDA). Le délai court à compter de la signification de la décision, c'est-à-dire au moment où la décision a été délivrée à la personne, soit à son domicile, soit sur son lieu de travail.
Les étrangers bénéficient également de l’aide juridictionnelle s’ils remplissent les conditions nécessaires (Art. L.911-1 du CESEDA). Et des associations pourront les aider à contester la décision d’OQTF prise à leur encontre.
Toutefois, l’expulsion de l’étranger ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect à sa vie privée et familiale (Art. 8 CEDH).

Fiche clinique réalisée par Morgane Lacoste, Cassandre Colomer et Joseph Roizot