Les fiches longues de la Clinique juridique

 
Fiche 1 : Dépôt de plainte (II) - Les poursuites pénales : ma plainte est déposée, et maintenant ?

C’est le procureur de la République (également appelé « ministère public » ou « parquet ») qui va orienter l’affaire.
Il peut : classer sans suite, mettre en mouvement l’action publique, proposer une alternative aux poursuites. Ce choix du procureur, c’est « l’opportunité des poursuites ». Autrement dit, le procureur apprécie librement et discrétionnairement les suites à donner à l’affaire.
 

Classement sans suite


Ma plainte a été classée sans suite : pourquoi ?

 

Lorsque le Ministère public constate que…

  • Le préjudice causé par l’infraction n’est pas assez important pour y donner suite

  • Les faits ne constituent pas une infraction
  • L’auteur de l’infraction est soit inconnu soit les indices permettant de le retrouver sont insuffisants
  • Le plaignant a retiré sa plainte ou a été dédommagé

Il pourra décider de refuser de donner suite aux poursuites. C’est ce qu’on appelle le « classement sans suite ».

Mon affaire est classée sans suite. Que puis-je faire ?
La décision de classement sans suite n’est néanmoins pas définitive. Une contestation est possible : il faudra alors adresser une lettre au Procureur général de la cour d’appel par lettre simple ou lettre recommandée avec accusé de réception. Ce dernier aura alors la possibilité de revenir sur sa décision tant que le délai de prescription n’est pas écoulé en vertu du principe de « l’opportunité des poursuites ».

Note : Si votre plainte est classée sans suite, le Procureur devra nécessairement vous en aviser. Il en va de même pour les éventuelles autres victimes.

Mise en mouvement de l’action publique

Le procureur a donné suite à ma plainte. Que va-t-il se passer ?


Le déroulement de l’action publique va dépendre de la gravité des faits commis.
En effet, plus les faits commis sont graves et complexes, plus il sera nécessaire d’avoir une enquête approfondie. C’est pourquoi, parfois, une « instruction » sera ouverte. L’instruction est une sorte « d’avant-procès » permettant d’établir l’existence de l’infraction et si les charges retenues à l’encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu’elles puissent être jugées.

Situation 1 | Si une instruction est ouverte :

Quand l’ouverture d’une instruction est-elle nécessaire ?

L’instruction est obligatoire en matière de crimes (exemples du meurtre ou du viol) et facultative en matière de délits sauf dispositions légales spéciales (exemples du vol simple et violences légères).
 

Comment se déroule une instruction ?

Le juge d’instruction sera saisi par le Ministère public ou par une plainte avec constitution de partie civile (cf. fiche 1). Ce dernier a pour mission de démêler le vrai du faux pour parvenir à la manifestation de la vérité. Pour cela, il dispose de pouvoirs importants : mettre en examen, se déplacer sur les lieux d’enquête, ordonner des saisies, des expertises et perquisitions, auditionner toute personne… En somme, il joue le rôle d’un véritable juge-enquêteur !
A titre indicatif, une instruction dure environ 18 mois en matière criminelle et 12 mois en matière délictuelle. Attention néanmoins, car en pratique ces délais sont régulièrement dépassés.
 

Comment se termine une instruction ?
Deux issues sont envisageables :

- Une ordonnance de renvoi devant les juridictions de jugement : si des charges suffisantes existent à l’encontre du mis en examen.
- Une ordonnance de non lieu : si les charges retenues à l’encontre du mis en examen ne sont pas suffisantes.
⚠️ Il faut donc la distinguer de la décision de classement sans suite : alors que le non-lieu est rendu à la suite d’une instruction, le classement sans suite est rendu avant toute poursuite !


Situation 2 | Si aucune instruction n’est ouverte : il s’agit de l’hypothèse où le Ministère public a décidé de renvoyer directement l’affaire devant une juridiction de jugement :
Plusieurs types de poursuites pénales existent :
 

Les plus courantes en pratique :

La citation directe :

Dans quel cas ? L’affaire est en état d’être jugée et l’identité du mis en cause est connue avec précision (la citation directe est possible pour toutes les infractions).
Que se passe-t-il ? Le mis en cause est alors directement convoqué devant la juridiction.
 

Comparution immédiate (CI) :
Dans quel cas ? Les charges retenues contre le mis en cause sont suffisantes pour que l’affaire soit jugée immédiatement
Que se passe-t-il ? Le mis en cause sera directement convoqué devant le tribunal correctionnel uniquement. Le but est que son jugement intervienne le plus rapidement possible.

Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) :
Dans quel cas ? La CRPC est impossible pour certaines infractions, à savoir les homicides involontaires et les délits les plus graves. De plus, le mis en cause doit avoir reconnu sa culpabilité et accepté la sanction proposée par le procureur. L’avocat est obligatoire.
Que se passe-t-il ? L’idée est d’avoir un jugement rapide. En conséquence, la peine d’emprisonnement proposée ne pourra pas excéder la moitié de la peine encourue dans un maximum de 3 ans.
 

Celles que l’on retrouve le moins souvent :

Comparution à délai différé :
Dans quels cas ? Les charges retenues contre le mis en cause sont suffisantes mais l’affaire n’est pas en état d’être jugée (puisqu’il manque certains actes d’enquête, la comparution immédiate est donc impossible).
Que se passe-t-il ? Le mis en cause sera alors placé sous contrôle judiciaire en attendant sa comparution à l’audience.

Les convocations (il existe deux types de convocation) :
L’idée commune est d’économiser les frais d’huissier. En revanche, la distinction se fonde sur la nécessité de recourir à un contrôle judiciaire.
- La convocation par procès-verbal (CPPV)
Il s’agit de l’hypothèse où le Procureur estime qu’un contrôle judiciaire est nécessaire. C’est alors lui qui se chargera de remettre la convocation.
- La convocation par OPJ (CPPJ) :
Il s’agit de l’hypothèse où l’officier de police judiciaire remet directement la convocation en main propre au mis en cause.

L’ordonnance pénale :
Dans quels cas ? L’ordonnance pénale pourra être utilisée en matière de faits simples pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas nécessaire et lorsqu’il n’y a pas d’atteinte aux droits de la victime.
Que se passe-t-il ? Il n’y a ni audience, ni débat. Il s’agit d’une décision rendue par un juge unique. La peine d’amende que le juge va prononcer sera inférieur à 5 000 euros, sous réserve d’éventuels dommages et intérêts qui seront alloués à la victime.

L’amende forfaitaire :
Dans quels cas ? Le recours à l’amende forfaitaire est possible pour certains délits dès lors que l’infraction est matériellement constatée / que les faits sont établis (elle est par exemple permise pour la consommation de stupéfiants dans la rue)
Que se passe-t-il ? Il n’y a pas d’intervention du juge. Le mis en cause recevra directement l’amende à son domicile.
Alternatives aux poursuites

Le procureur me propose de recourir à une « alternative aux poursuites ».


Qu’est-ce ? Ce sont des procédures se substituant à l’engagement d’un procès pénale. Elles sont mises en œuvre par le procureur de la République ou un officier de police judiciaire autorisé par ce dernier, en vertu du principe de l’opportunité des poursuites.

A titre liminaire, notons que le consentement du mis en cause est nécessaire à la mise en œuvre de ces mesures. Quelles sont-elles ?

La composition pénale
Dans quel cas ? La composition pénale n’est possible qu’en matière de petits délits. L’auteur a reconnu sa culpabilité.
Que se passe-t-il ? Le procureur propose au mis en cause d’exécuter des mesures présentant le caractère de sanction (amendes, stages de sensibilisation ou de citoyenneté, travaux d’intérêt général…).

La médiation pénale (plus qu’une alternative aux poursuites, il s’agit d’une mesure amiable)
Dans quel cas ? En pratique, la médiation pénale n’est possible que pour les petits délits. Elle est toutefois exclue en matière de violences conjugales depuis 2020.
Que se passe-t-il ? L’idée est d’éviter l’intervention du Tribunal en passant par un accord amiable. Le procureur peut proposer une réunion entre l’auteur des faits et la victime (à laquelle tous deux consentent) afin que l’auteur répare son infraction.